REFLETS DU CINEMA CHINOIS
12e édition
Hongkong
香港

HONGKONG, la Chine d’à côté.
Reflets du Cinéma Chinois consacre sa 12e édition au cinéma de Hongkong.
Hongkong [香港=le havre aux épices] symboliserait-elle la fin de l’histoire ou l’histoire d’une fin ? Elle représente en effet la fin de la décolonisation britannique en Asie de l’Est après Singapour (1965), une fin marquée par la rétrocession en 1997 à la Chine continentale dont elle était séparée depuis 156 ans. En Occident, beaucoup aimeraient y voir plutôt une prémonition de ‘la fin de l’histoire’ car l’île-cité serait un foyer d’incubation, au sein du monde sinisé, de la démocratie parlementaire et des principes des droits humains. Cet héritage acquis par contagion avec la culture anglaise, se manifesterait à travers les institutions éducatives d’inspiration baptiste ou la tradition légaliste de sa police. Dans un cas, c’est l’identité chinoise qui est retenue ; dans l’autre, c’est le l’esprit constitutionnaliste et individualiste du Royaume-Uni.
Son cinéma, car il y a un bien ‘un cinéma hongkongais’, témoigne-t-il de l’une ou l’autre de ces identités ? Discrètement et comme par défaut. En effet, il a retenu l’approbation des cinéphiles surtout pour ses qualités intrinsèques, son rythme jazzy, ses cadrages acrobatiques, son impertinence moderniste, et ses histoires d’amour aussi fugaces que peuvent l’être les personnages de Chungking Express, ou aussi langoureuses que les tangos d’In the Mood for Love. Par la diversité de ses réalisateurs et réalisatrices, jeunes ou expérimentés, filmant à l’arrache ou construisant à l’épure, il appartient à la cinématographie mondiale. Les allers-retours de ses vedettes tant féminines que masculines entre Hongkong et Hollywood, entre Paris et Pékin, témoignent de cette appartenance cosmopolite. Cette ouverture concerne la période dorée qui consacre le cinéma d’auteurs des années 1990-2005.
Cependant cette filmographie n’est pas sans attaches ni références. Au contraire, elle est saturée de signaux identitaires depuis la table de mahjong, les gargotes de nouilles, les querelles sauvages des triades, leur taupe rusée au sein de la douane, l’arrogance des tycoons, le ballet des ferries de Kowloon, les néons multicolores de Nathan Road, les blocages intempestifs des ascenseurs, les escaliers secrets entre les gratte-ciels, les cinq cent banques de Victoria, les galeries de Central, les trams à impériale de Wanchai, les sampans d’Aberdeen, les friches des New Territories, mais surtout les forêts de HLM de Taikooshin, etc. C’est moins la Grande Chine que les particularismes insulaires de la Rivière des Perles avec lesquels le cinéma de Hongkong tisse ses ombres électriques. Car en cinquante ans la vie à Hongkong s’est écartée de celle de Canton ou de Shanghai. Mais paradoxalement les studios de Hongkong ont reconstitué et codé un passé chinois imaginaire et nostalgique (LI Hanxian, La Belle et l’Empereur, 1959) que Pékin avait cru anéantir pendant la Révolution Culturelle. Ce sont eux qui réinventent les films de kunfu avec les immenses réalisateurs des années 60 que furent King Hu et Chang Cheh. L’Hirondelle d’or (1966), Raining in the Mountain (1978) de King Hu ou La Rage du tigre (1971) de Chang Cheh ouvriront la voie à toute une stylistique très raffinée (A touch of Zen,1970) ou populaire avec les célébrissimes Bruce Lee (The Big Boss, 1971) et Jackie Chan (le maître ivre, 1978 ; Le flic de Hong Kong, 1985), etc. Ils populariseront les films d’arts martiaux (wuxiapian) qui relèvent moins de la gymnastique taoïste que des effets spéciaux hollywoodiens (Tigre et Dragon de Ang Lee, 2000 ou le Secret des poignards volants de Zhang Yimou, 2004).
« Le cinéma de Hongkong est né des crises successives apparues sur le continent » rappelle Jean-Michel Frodon[1]. Pourtant, notre sélection ne paraît ni concernée par la rétrocession de 1997 ni impliquée par la croissance chinoise, mais centrée sur les craintes et les espoirs des habitants dans une attitude qui peut paraître très insulaire. En réalité, de la Chine d’à côté, on y pense toujours, mais on n’en parle jamais. Dans les scénarios de la Nouvelle Vague hongkongaise, on pourrait s’étonner de l’absence des Britanniques ou des businessmans occidentaux. Néanmoins la production de cette période est bien aimantée par les enjeux de la rétrocession, mais cachés sous les genres polar ou comédie. Citons Yu Lik-wai (Neon Goddess, 1996, All Tomorrows Party, 2003) ou Fruit Chan (Made in Hong Kong, 1997; Durian Durian, 2000).
Rien d’étrange car, dès son origine, le cinéma de Hongkong était destiné au continent. L’île accueillit des studios avant la plupart des villes de l’Empire du Milieu, en interaction avec ceux de la concession de Shanghai. Surtout Hong Kong fut et reste le stigmate du traumatisme de la Première Guerre de l’Opium (1842) qui plongea la Chine dans le Siècle de la honte (1840-1949). Et son cinéma en porta et en porte témoignage Il a produit des films historiques qui transforment l’histoire des vaincus en épopée héroïque, mais sur un ton qui diffère du cinéma national de Pékin, car il est fortement marqué par les schèmes de l’opéra cantonais. Sauf en matière de rythme et de cascade, où il emprunte aux films de cape et d’épée occidentaux (Chang Cheh, La Révolte des Boxers, 1976 ; Tsui Hark, Il était une fois en Chine, 1991, 1992, 1993).
Après la Révolution Culturelle, Hongkong – petit dragon – devient une sorte de futur pour la République populaire, notamment en matière urbanistique, culturelle mais surtout financière et commerciale. Cependant l’écart reste immense entre son cinéma, soumis au marché mais ouvert au grand vent des films internationaux, et celui de la Chine Populaire qui reste contraint par la politique et le contrôle de l’Etat communiste[2]. Si, depuis la rétrocession (1997), les deux filmographies se mêlent, si les acteurs traversent la frontière ainsi que les réalisateurs, il est difficile de conclure à une véritable convergence, pas même avec le cinéma ‘indépendant’ du continent qui est ouvertement politisé. Les événements de Tian An Men (1989) vont raviver une divergence qui avait commencé en 1949 avec l’exil des Shanghaiens, puis en 1966 avec le refuge des victimes du maoïsme. Alors qu’auparavant, certains films respiraient une nostalgie d’exilé pour le pays des ancêtres, dorénavant le personnage du ‘continental’ n’est plus l’ancien ami porteur des racines, mais plutôt le corrupteur.
Il semble que le cinéma contemporain du Port aux parfums (Tsui Hark, Time and Tide, 1999 ; Andy Law, Infernal Affairs, 2004), après avoir conquis les festivals internationaux, regarde surtout de l’autre côté du Pacifique, vers les sunlights et les dollars d’Hollywood, et s’enivre de la violence de leurs images (Scorsese, Tarantino, etc.). Les stars comme Tony Leung, Leslie Cheung, Jackie Chan, Maggie Cheung, Cecilia Yip, etc. s’internationalisent. Certains réalisateurs en reviennent néanmoins et développent un cinéma d’auteur plutôt que ces films de genre qui avaient été la marque du cinéma insulaire et qui sont repris depuis dans les studios de la Chine Populaire pour répondre aux aspirations patriotiques récentes du public continental. Il est bien loin le temps où Shaolin Si – le Temple de Shaolin – de Chang Cheh (1976)[3] subjugua une population lassée de la propagande révolutionnaire. Avec la chanteuse taïwanaise Deng Lichun, ce film fut la première fenêtre vers le Sud du nouveau cours avec l’arrivée de Deng Xiaoping en1978. La pop culture mode HKG inonde les studios chinois.
Notre 12e sélection ignore la longue histoire de la cinématographie de Hongkong pour faire redécouvrir des œuvres plus récentes qui ont été appréciées par les cinéphiles occidentaux, délaissant les énormes productions pour le petit écran qui magnifient la culture cantonaise, en particulier les opéras filmés et les polars stéréotypés. Les films présentés ici renvoient donc à la période dorée (1990-2005).
R.D.
[1] J-M. FRODON, Hongkong, Le cinéma chinois, Cahiers du cinéma, CNDP, 2006.p.30.
[2] Illaria Maria Sala, Entre censure et marché. Le cinéma de Hong Kong en 1997. Perspectives chinoises, 1997.
[3] Olivier Assayas, Le temple de Shaolin et sa généalogie, Cahiers du cinéma, N° spécial : « Made in Hong Kong », sept 1984.
Chronologie des projections
Date | Heure | Film | Lieu |
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Mercredi 4 mars | 18 h 30 | Nos Années sauvages, 阿飛正傳, (Wong Kar-wai, 1991) | Le Concorde NANTES |
Mercredi 4 mars | 20 h 30 | Cops and Robbers, 点指兵兵 (Alex Cheung, 1979) [+ débat] | Le Concorde NANTES |
Jeudi 5 mars | 16 h 15 | Une vie simple, 桃姐 (Ann Hui, 2011) | Le Concorde NANTES |
Jeudi 5 mars | 20 h 30 | Made in Hong Kong, 香港製造 (Fruit Chan, 1997) [+ débat], | Le Concorde NANTES |
Vendredi 6 mars | 18 h 15 | Chungking Express, 重慶森林 (Wong Kar-wai, 1994) | Le Cinématographe |
Vendredi 6 mars | 20 h 45 | Sparrow, 文雀 (Johnnie To, 2008) [+ débat] | Le Cinématographe |