Arts Martiaux, Arts lettrés
武文双全

affiche reflets du cinéma chinois

Comment le cinéma chinois traite-t-il les arts traditionnels qui ont nourri la longue civilisation chinoise ? Considéré comme une invention d’origine occidentale, on pourrait imaginer qu’il les a déstabilisés et ringardisés ? Au contraire, dès son origine, au début du XXe siècle, il les a revalorisés et sublimés en diffusant par exemple les performances des stars de l’opéra de Pékin, comme Tan Xinpei (1), ou en rapprochant les amateurs d’arts martiaux de leurs idoles, comme dans L’Incendie du Temple du Lotus-Rouge (2). Par sa modernité, il en a même récupéré, assimilé et renouvelé de nombreuses formes archétypales, comme les postures, les gestes et les codes des masques du théâtre populaire, ou comme le jeu subtil des contrastes du noir et blanc qui firent le charme des célèbres ombres chinoises. Il a même osé recycler les histoires de la culture populaire dans l’écriture de nouveaux scenarii, transformant les héros à l’ancienne en personnages romanesques, caractéristiques de notre cinématographie mondialisée.  Nos écrans accueillent les blockbusters les plus fantastiques, tirés d’une mythologie historique inconnue comme dans Tigre et Dragon, Les couteaux volants ou The Master, qui nous emportent dans des univers aussi archaïques que dépaysants.

 Mais comment les différents genres du cinéma chinois mettent-ils en scène ces arts issus de la haute culture extrême-orientale ? Ce sera le thème de notre festival annuel à l’occasion de son dixième anniversaire. Nous souhaitons en effet en faire à la fois un festival de cinéma et un festival culturel. Nous l’avons nommé Arts martiaux, arts du Lettré, car la culture de la Chine impériale a toujours opposé le domaine du Wu 武et celui du Wen文, les beaux gestes du militaire courageux et les subtiles activités du mandarin sensible. D’un côté les combats des Boxeurs, avec leurs codes et leurs instruments spécifiques (sabre, épée, hallebarde, poignard, bâtons et lance), et de l’autre, le geste pictographique du Calligraphe, les rythmes et rimes du poète, les chants codés de l’acteur d’opéra, les techniques du montreur de marionnettes, etc. Mais le cinéma n’est-il pas aussi le lieu où ces oppositions se réunissent et se fécondent — comme le Yin阴 et le Yang 阳 —, dans l’accomplissement du personnage du Maître (Shifu 师父) , à la fois maître d’arme et prince du pinceau, expert en danses martiales et érudit en références culturelles, directeur spirituel et guerrier loyal, celui dont l’existence est à la fois Wu et Wen.   C’est pour faire honneur à cette noble synthèse, que nous proposons l’expression 武文双全, Wu wen shuangquan, pour titre chinois : réunir dans sa personnalité la culture wen et le talent wu.

Au Cinématographe, le vendredi, le festival s’ouvre sur 2 séances consacrées à l’opéra (théâtre chanté de la tradition chinoise). Tout d’abord, une magnifique adaptation de l’opéra kunqu de Tian Xianzu, Le Pavillon au pivoines, suivie d’un documentaire portant sur l’école de l’opéra et ses pratiques parmi la population de Pékin : Les Disciples du Jardin des poiriers. Puis, en soirée, nous proposons dans une même séance deux adaptations cinématographiques de deux opéras : un opéra zaju de la dynastie des Yuan (XIIIe siècle), le classique Dit du Pavillon de l’Ouest de Wang Shifu, dans une adaptation de 1927 qui s’intitule La Rose de Pushui, puis, La Rose de Wouke, daté de 1963, qui adapte un opéra moderne (créé en 1919 par Cheng Zhaocai, réécrit en 1963 par Wu Zuguguang.

Le samedi 23 mars est consacré aux arts martiaux, plus précisément aux films historiques de redresseurs de torts (wuxiapian, à ne pas confondre avec les films de kungfu, qui se passent à l’époque contemporaine) : Assassin, le sublime film de Hou Hsiao-hsien (sorti en 2015 après plus de 10 ans de silence), est suivi d’un classique dans le genre : Touch of Zen (1970) du maître de Hong Kong nommé King Hu.

Les arts martiaux sont encore illustrés le dimanche 25 mars par un film récent, The Master (2015), qui met en scène la guerre des confréries à Tianjin. La soirée se prolonge avec un film sur un maître calligraphe du XXe siècle, nommé Qi Gong (2015), précédé d’un petit film d’animation qui introsuit à la calligraphie chinoise : Les Trente-six Caractères (1984).

Notre programmation cinéma s’accompagne d’une exposition du peintre et calligraphe Ye Xin, à la galerie Véronèse de Nantes, du 21 au 25 mars. Le peintre propose 36 vues tirées d’un poème de Victor Segalen (« Tombeau de Ts’in » dans Peintures). Ye Xin présente son travail à l’occasion d’une Rencontre au forum de la FNAC le jeudi 22 mars à 17 h 30.

Lundi 26 mars, une conférence est proposée à la Médiathèque Jacques-Demy (amphithéâtre Jules-Verne, 18 h 30) par la chercheuse Marie Laureillard (Université de Lyon II) sur la tradition de la bande dessinée en Chine : « Lianhuanhua, manhua ou mangas ? Échos de la peinture traditionnelle dans les bandes dessinées chinoises ».

Programmation

Vendredi 23 mars 2018 Le Pavillon aux pivoines
Les Disciples du Jardin des Poiriers
La Rose de Pushui
La Rose de Wouke
Samedi 24 mars 2018 Assassin
A Touch of Zen
Dimanche 25 mars 2018 The Master
Les Trente-six Caractères
Qi Gong

Du mercredi 21 mars au dimanche 25 mars

  • Exposition Segalen/Ye Xin, à la galerie Véronèse

Jeudi 22 mars – 17h30

  • Rencontre avec Ye Xin, peintre et calligraphe chinois, au forum de la FNAC

Jeudi 22 mars – 19h30

  • Vernissage de l’exposition Segalen/Ye Xin, à la galerie Véronèse

Vendredi 23 mars – 18h30

  • Le Pavillon aux pivoines d’Alain Mazars (1988, 57’)
  • + Les disciples du jardin des poiriers de Marie-Claire Quiquemelle (1987, 56’)

Vendredi 23 mars – 21h00

  • La Rose de Pushui [Xixiang ji 西厢记 (Le Dit du Pavillon de l’Ouest)] de Hou Yao 侯曜 et Li Minwei 黎民伟 (1927, 49’ muet, adaptation de l’opéra Le Pavillon de l’Ouest de Wang Shifu)
  • + La Rose de Wouke [Hua Wei Mei 花为媒] de Fang Ying 方荧 (scénario de Wu Zuguang 吴祖光) (1963, 112’)

Samedi 24 mars – 16h 30

  • Assassin [Cike Nie Yinniang 刺客聂隐娘 (Nie Yinniang la justicière)] de Hou Hsiao-hsien 侯孝贤 (2015, 105’, adaptation de la nouvelle des Tang par Pei Xing, qui porte le même titre chinois)

Samedi 24 mars – 21h00

  • A Touch of Zen [Xianü 侠女 (La redresseuse de torts)] de King Hu [Hu jinquan 胡金铨] (1970, 180’, adaptation d’un conte de Pu Songling, qui porte le même titre chinois, traduit « Vengeresse »)

Dimanche 25 mars – 16h 30

  • The Master [Shifu 师父] de Xu Haofeng 徐浩峰 (2015, 109’)

Dimanche 25 mars – 20h30

  • Les trente-six caractères chinois [Sanshiliu ge zi 三十六个字] de Ah Da 阿达 [Xu Jingda 徐景达] (1984, 10’)
  • + Qi Gong 启功de Ding Yinnan 丁荫楠  et Ding Zhen 丁震 (2015, 110’, biopic d’un calligraphe chinois (1912-2005)